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La presse en parle

jeudi 10 novembre 2011

L'INSPIRATION ANTIQUE ET ROMANTIQUE D’ANDRÉ CHÉNIER Par Noël Prévost dans la revue poétique Coin de Table

On connaît bien d’André Chénier (1762-1794) quelques poèmes très célèbres comme sa Jeune Tarentine, ou ses Ïambes, voire un vers séparé de tout : « Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques », mais moins son œuvre complète, depuis que l’édition de Paul Dimoff (Delagrave) n était plus disponible malgré des rééditions multiples qui ont témoigné de l’accueil de cette poésie encore au siècle dernier (1908, 1911, 1919, 1956, 1966)- Le tome II d’une nouvelle édition vient rendre disponibles à nouveau des poèmes plus souvent cités que lus.

Il est agréable de constater que cet ouvrage a reçu 1 aide du centre National des Lettres qui nous a si souvent donné l’occasion de critiquer l’emploi de notre argent en des subventions ridicules et scandaleuses. Ce n’est pas le cas ici. Mais il faut prévenir le lecteur qu’il s’agit d’une édition critique, c’est-à-dire que si les textes sont impeccables et sûrs, les notes sont imposantes (heureusement séparées) : 242 pages de poèmes sont suivies par 303 pages de notes et variantes, intéressantes, d’ailleurs.

À la ré-découverte du Chénier de ce recueil, on retrouve d abord la toute puissante influence directe des poésies grecques et latines dans ses Bucoliques, des œuvres antiques qui ont formé et inspiré des générations — jusqu’à notre inculture d’aujourd’hui.

Que te ferai-je ? dis babillarde hirondelle ?

Veux-tu qu’avec le fer je te coupe ton aile ?

Cette traduction d’un poème d’Anacréon nous renvoie à celle de Baïf, La belle aronde, et témoigne de la permanence de cette influence. Notre culture, ou plutôt ce qu’il en reste, vient de la richesse antique par l’intermédiaire de tous ces poètes, ou de ce qui en est lu aujourd’hui…

Si l’édition des œuvres de Chénier est difficile à établir, c’est parce que sa mort précoce sur l’échafaud ne lui a permis de laisser que des feuillets séparés, mélangés, sans classement. Et pourtant, il savait ce qu’il voulait avec beaucoup de précision.

Ses poèmes sont souvent de simples fragments reliés par des textes de prose indiquant ce qu’il projetait d’écrire, dans une perspective déjà ébauchée et dominée par sa pensée. C’est un aspect très émouvant. On peut citer, au hasard, quelques lignes dans un chapitre intitulé « Le Lavoir », avant des vers isolés, d’autres regroupés en poèmes :

II en tant taire une [poésie] intitulée Le Lavoir en imitant Nausicaa, et le premier chœur de l'Hippolyte. De jeunes filles lavant leurs habits  et ceux de leurs frères. […

   On trouve donc des lignes de points, tracées par Chénier lui-même, dans l’attente de vers à venir, que sa mort l’empêcha à jamais d’écrire. On sait qu’il fut exécuté trois jours avant la chute de Robespierre, qu’il retrouva sur la charrette conduisant au supplice son ami Roucher et qu’ils récitèrent tous deux le début d'Andromaque : « Oui, puisque je retrouve un ami si fidèle/Ma fortune va prendre une face nouvelle… ». Terrible sang-froid.

Chômer ne fut pas seulement le poète bucolique qui nous charme (le bucoliaste} par des pièces brèves. Son long poème L'invention, qu’on retrouve ici, montre sa vigueur.

On retrouve, à l’occasion, son esprit satirique (celui des îambes} dans ses Epîtres, même s’il dit, se référant à La Fontaine (qui lui-même s’inspirait de l’Esope antique) qu’il est prêt à « mépriser les raisins qui sont trop hauts pour moi ». Il dénonce les politiques et les poètes serviles de son époque (probablement vers 1786/7, nous disent les notes). Aux reproches sanglants d’un vers noble et sévère Ce pays toutefois offre une ample matière : Soldats tyrans du peuple obscur et gémissant, Et juges endormis aux cris de l’innocent ; Ministres oppresseurs dont la main détestable Plonge au fond des cachots la vertu redoutable. Mais loin qu’ils aient senti la fureur de nos vers, Nos vers rampent en foule aux pieds de ces pervers, Qui savent bien payer d’un mépris légitime Le lâche, qui pour eux feint d’avoir quelque estime.

On trouve déjà dans son long poème L'invention (392 vers, plus 95 vers de « Fragments préparatoires »), qui est en quelque sorte l’exposé de sa poétique, une préfiguration assez étonnante du romantisme qui nous fait comprendre ce que nous aimons en Chénier : cette alliance de l’exaltation poétique et de révocation rêvée de l’Arcadie. C’est un aspect de l’inspiration inexplicable — donc « divine » — du poète, à l’opposé du « rimeur » sans âme pour qui « La langue se refuse à ses demi-pensées ».

Celui qu’un vrai démon presse, enflamme, domine,

Ignore un tel supplice : il pense, il imagine ;

Un langage imprévu, dans son âme produit,

Naît avec sa pensée et l’embrasse et la suit ;

Les images, les mots que le génie inspire,

Où l’univers entier vit, se meut, et respire,

Source [….] que rien ne peut tarir,

En roule à son cerveau se hâtent de courir.

Tel le bouillant poète en ses transports brûlants,

Le front échevelé, les yeux étincelants,

Erre, tourne à grands pas, seul, en d’épais bocages,

S’il pourra de sa tête apaiser les orages

Et secouer le Dieu qui fatigue son sein.

De sa bouche à grands flots ce Dieu dont il est plein

Bientôt en vers nombreux s’exhale et se déchaîne.

Cette mystérieuse « inspiration » est un mythe qui nous vient de cette antiquité toute entière inspirante pour André Chômer. Si nous ne croyons plus aux interventions des Muses, son mystère subsiste et reste assez étonnant pour que les Surréalistes du siècle dernier s’en tussent encore réclamés. On souhaite que les poètes d’aujourd’hui en reçoivent toujours quelque influence.

— André Chénier, Œuvres poétiques. Tome II : Bucoliques-, Épitres et poétique, L'invention. Édition critique par Georges Buisson.


 


 


OEUVRES PŒTIQUES, volume 2 - André CHÉNIER OEUVRES PŒTIQUES, volume 2 - André CHÉNIER
48,00 €




Anthologie des troubadours Paul FABRE dans Coin de table, la Revue de la poésie

   Réunissant des œuvres de 96 poètes (sur environ 400 troubadours répertoriés), cette édition bilingue (occitane et traduction française) de 143 textes est un véritable trésor, avec un remarquable avant-propos de présentation d'une trentaine de pages: «un territoire, une langue, une poésie, un nouveau rapport entre les hommes». Si la langue d'oïl a triomphé et si le francien nous a donné le français pour des raisons politiques, c'est bien en langue d'oc « que naît la première poésie du temps en Europe », à la fin du XII siècle.

   C'est avec elle que naît aussi une « éthique de l'amour », « un rapport nouveau entre les hommes et les femmes », « un véritable humanisme qui dépasse la relation amoureuse pour devenir une exigence universelle ». On n'a que l'embarras du choix dans ce beau livre. Par exemple cette frohairitz (troubadouresse), comtesse de Die, au XIIe siècle, une de nos premières femmes poètes.

 

Estat ai en grand consirièr
Bèls amics, avinents e bo (n) s,
Qyora-os tenrat en mon poder,
E que jagués ab vos un ser,
E que-os dès un bais amorós,
Sachatz grand talent n'auria
Que-os tengués en lóc del marit,
Ab ço qu'aguéssetz plevit
De far tot çó qu'ieu volria.

         Comtessa de Dia

Bel civil, gracieux et bon,
Si je vous tenais en mon pouvoir,
Que je fusse couchée un soir avec vous,
Et que je vous donne un baiser d'amour,
Sachez que j'aurai grande envie
De vous tenir embrassé au lieu de mon mari,
Pourvu seulement que vous m'ayez promis
De faire tout ce que je voudrai.


Anthologie des Troubadours : XIIe-XIVe siècle - Paul Fabre Anthologie des Troubadours : XIIe-XIVe siècle - Paul Fabre
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vendredi 15 juillet 2011

Pascale DUMONT, L’espace et le temps dans la dramaturgie médiévale française, LE MOYEN ÂGE – CXVII-2011

Pascale DUMONT, L’espace et le temps dans la dramaturgie médiévale française,
Orléans, Paradigme, 2010 ; 1 vol. in-8o, 309 p. (Medievalia, 73). ISBN : 978-2-86878-283-0. M73 Prix : € 29,00.
Dans cet ouvrage qui est une version amplifiée et élargie de sa thèse de doctorat, soutenue en 1997 à l’Université d’Anvers, P. Dumont entreprend d’étudier le traitement de l’espace et du temps dans le théâtre du Moyen Âge à travers un corpus d’œuvres représentatif de la production dramatique depuis le XIIe jusqu’à la fin du XVe siècle. Elle cherche ainsi à démontrer l’existence d’une dramaturgie proprement médiévale, en dépit du vide théorique qui caractérise le Moyen Âge dans ce domaine. L’A. commence par contextualiser l’objet de son étude et postule que l’évolution de la conception du temps et de l’espace au Moyen Âge explique en partie leur traitement dans le théâtre, dont une spécificité se trouve justement dans l’écart constaté entre la durée de l’action représentée et la durée de représentation de l’action.
Le lecteur est alors invité à suivre dans leur développement les travaux de l’A., dont l’intention est « d’aboutir à la description cumulative des tendances dramaturgiques médiévales » (p. 148). Les chap. 4, 5 et 6 sont consacrés à l’analyse de la transformation des données spatiales et temporelles lors de la dramatisation du texte-source. Sont étudiés successivement le Jeu d’Adam, le Miracle de Théophile et la Passion du Palatinus. De l’analyse de la technique dramatique de chaque fatiste, l’A. tire les éléments, convergents ou non, qui témoignent « d’un travail conscient à l’égard d’une matière préexistante » (p. 72). Dans le chap. 7 qui sert de conclusion à cette première partie, elle établit la liste des composantes potentielles d’un texte dramatique qu’elle met en relation avec leur incidence spatiale et temporelle.
Dans la seconde partie que forment les chap. 8, 9 et 10, l’A. étudie les différences de traitement du temps et de l’espace dans trois corpus envisagés dans une perspective chronologique. Le premier est consacré à la tradition des Miracles de saint Nicolas. On aurait pu y ajouter le texte joué à Avignon vers 1470 et édité par P. Aebischer1. Le second corpus regroupe trois dramatisations de la Nativité et le troisième, trois pièces relatant la Passion et la Résurrection. Ce dernier thème est vaste. Peut-être eût-il été plus pertinent d’envisager seulement les mises en scène de la Résurrection et d’étudier à côté de la Passion de Sainte-Geneviève le Mystère de la Résurrection, conservé dans le même ms.
Les trois derniers chapitres récapitulent de façon synthétique les commentaires effectués au gré des précédents chapitres. Au chap. 11, les premières conclusions établies par l’A. portent sur le traitement des sources par le fatiste pour le repérage spatial et temporel de la pièce : « la ligne de démarcation principale semble […] se situer entre les sujets bibliques et les sujets hagiographiques » (p. 211). Au chap. 12 est abordée la question de l’agencement des épisodes et de leur encadrement par les prologues, les épilogues et divers types d’intermèdes. Enfin, le chap. 13 s’intéresse à la fonction de plusieurs conventions verbales et non verbales pour le traitement du temps et de l’espace : les monologues, les chants, les écriteaux, etc.
Consciente du travail à accomplir, l’A. assume des choix méthodologiques qui paraissent fondés pour une approche globale de la question. Mais il faudra sans doute revenir ultérieurement sur le fait de traiter « les textes indépendamment de leurs illustrations éventuelles » (p. 28) et de ne pas tenir compte de « leur destination initiale » (p. 30), car on ne peut écarter d’emblée l’idée que le traitement du temps et de l’espace varie selon que le texte est composé ou copié pour être joué, lu ou seulement conservé.
Notons encore que, consacrée au traitement des données spatiales et temporelles, cette étude ne porte pas à proprement parler sur la fonction structurelle et poétique du temps et de l’espace dans la dramaturgie médiévale. Par exemple, la question des expressions de rapidité et d’empressement a bien été traitée et l’A. voit dans leur emploi « un effet d’exhaustivité » (p. 226), mais ces tournures sont également constitutives du rythme de la pièce et, à ce titre, elles mériteraient d’être évaluées en relation avec la versification, l’occupation de l’espace scénique et la répartition des
pauses (musicales ou non), etc.
En conclusion, l’ouvrage de l’A. contribuera sûrement à une meilleure compréhension de la dramaturgie au Moyen Âge et les quelques observations que nous avons pu formuler, sans diminuer les qualités de ces travaux, témoignent d’abord de leur caractère très stimulant.

Xavier LEROUX

1. Annales d’Avignon et du Comtat Venaissin, t. 18, 1932, p. 5–40.


L'Espace et le temps dans la dramaturgie médiévale française - Pascale DUMONT L'Espace et le temps dans la dramaturgie médiévale française - Pascale DUMONT
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mercredi 10 novembre 2010

Poésies du non-sens dans Le Coin de table...

- Poésies du non-sens. Tome II : Resveries. Textes édites, traduits et commentés    par Martijn Rus, Éditions Paradigme. 156 p.

   On ne sait trop où classer cet ouvrage qui réunit des «non-sens relatifs» du nord et nord-ouest de la France, du XIIIe au XVe siècles. C'est bien un ouvrage d'érudition, car les textes y sont publiés dans la langue d'origine ( dialectes picard, francien ou autre ) et parfaitement commentés par des remarques philologiques et historiques. Mais comme chacun d'eux est traduit, l'ouvrage n'est pas réservé aux spécialistes. On découvre alors dans ces Oiseuses, Resveries et Traverses des textes jubilatoires dont le non-sens annonce aussi bien les comptines, les limericks anglais, que les étrangetés des cadavres exquis.


                               Vous ètes cocu, car votre toux

Diminue


                               Qui il mangé, s'il a payé,
                           Il doit être quitte.


                               Seigneur, êtes-vous prêtre ?
                               Vous portez la tonsure.


                               Apportez vite des aulx pelés
                               Dans ce mortier.


                               Allez plaider sans retard
                               C'est le moment.


Dans Coin de Table : Anthologie des Troubadours


Othon de Grandson, chevalier et poète - Jean-François Kosta-Théfaine Othon de Grandson, chevalier et poète - Jean-François Kosta-Théfaine
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mercredi 2 juin 2010

COMPTES RENDUS – LE MOYEN ÂGE : Jean DUFOURNET, Le théâtre arrageois au XIIIe siècle

Jean DUFOURNET, Le théâtre arrageois au XIIIe siècle, Orléans, Paradigme, 2008 ; 1 vol. in-8o, 197 p.
La collection Medievalia des éditions Paradigme a saisi l’occasion des concours de l’agrégation en 2009 pour proposer une réunion fort bien venue d’articles rédigés par l’A. sur le théâtre arrageois au XIIIe siècle. On sait que l’A. a abondamment défriché ce champ de recherche et que c’est en grande partie grâce à lui que les études théâtrales sont devenues aujourd’hui l’un des axes les plus dynamiques de la recherche médiévistique française. Ce recueil rassemble neuf articles, parus de 1980 à 2005 et trois comptes rendus. Le lecteur peut ainsi prendre la mesure d’un travail de vingt cinq années, égrenant de nombreux articles fondateurs dont les plus importants sont ici donnés à lire et à relire. L’A. a consacré au Jeu de la Feuillée des études de grande ampleur, parues sous forme d’ouvrages1, qui viennent d’être également réédités en 2008. La présente collection d’articles n’aborde donc pas directement le Jeu de la Feuillée, bien que de nombreuses allusions soient faites à ce texte dans les articles présentés.
Après une présentation des jeux de Jean Bodel et Adam de la Halle issue du Dictionnaire des oeuvres littéraires en français (1994) qui ouvre opportunément l’ensemble, le recueil s’articule autour de trois grands textes dramatiques arrageois de cette période : Le Jeu de saint Nicolas de Jean Bodel, Courtois d’Arras et le Jeu de Robin et Marion d’Adam. Une étude générale en deux parties (Le théâtre arrageois au XIIIe siècle, premières remarques, paru en 2001 et Secondes remarques, 2005) ouvre l’ensemble. Il s’agit de la publication la plus récente de l’A. sur le sujet. Cette étude présente les lignes de force de la lecture de l’A. : le tissage intertextuel qui fait de cette écriture théâtrale un lieu de carrefour et d’expérimentation des traditions littéraires contemporaines ; l’économie du dialogue et la structure du personnel dramatique dans les jeux, reposant sur des reprises dynamiques comme le trio ou le dédoublement ; enfin l’invention d’un espace scénique complexe.
Les trois études suivantes éclairent le fonctionnement de ces trois points – écriture intertextuelle, structuration des jeux, problème des espaces – en s’appuyant particulièrement sur le Jeu de saint Nicolas. Il s’agit de l’article Du double à l’unité : les Sarrasins dans le Jeu de saint Nicolas, paru en 1993, dont on sait qu’il a marqué une importante étape dans l’analyse de l’altérité et de sa représentation chez Jean Bodel. Il est suivi de deux études plus générales, mais où ce jeu occupe une place importante : La ville et la campagne dans le théâtre arrageois du XIIIe siècle (1992) et La taverne dans le théâtre arrageois du XIIIe siècle (1989). Le Jeu de saint Nicolas y prend son sens en particulier face à Courtois d’Arras, soulignant la surprenante homogénéité culturelle du jeu arrageois.
C’est à Courtois d’Arras, jalon majeur du théâtre du XIIIe siècle entre Jean Bodel et Adam de la Halle, que sont ensuite consacrés deux articles. Ce sont deux publications majeures qui questionnent la notion d’héritage et montrent, encore une fois, la dimension de récriture inhérente au jeu dramatique : Courtois d’Arras ou le triple héritage (1991) et Les jeux de l’intertextualité dans Courtois d’Arras (2000).
Fidèle à cette logique thématique, le dernier jeu étudié ici, Robin et Marion, fait l’objet de deux analyses. Complexité et ambiguïté du Jeu de Robin et Marion (1980) a 1. Adam de la Halle à la recherche de lui-même, Paris, 1974 ; Sur le Jeu de la feuillée. Études complémentaires, Paris, 1977. été un travail essentiel dans la redécouverte de ce jeu par les critiques littéraires. La bibliographie la plus récente de Robin et Marion s’est construite à partir de ce point de départ, complété par L’intertextualité de Robin et Marion (1999). Il reste encore beaucoup à faire et il faut espérer que la relecture de ces articles soit l’occasion de nouveaux travaux. Les trois comptes rendus proposés en fin de recueil illustrent d’ailleurs la postérité critique des analyses de l’A., à travers les ouvrages de J. Blanchard sur la pastorale, de R. Berger sur la société arrageoise qui a donné naissance au théâtre, de T. Revol sur la dimension sacrée dans le jeu dramatique.
Estelle DOUDET


Le théâtre arrageois au XIIIe siècle : Le jeu de la Feuillée, Le jeu de Robin et Marion, Le jeu de saint Nicolas, Courtois d'Arras - Jean DUFOURNET Le théâtre arrageois au XIIIe siècle : Le jeu de la Feuillée, Le jeu de Robin et Marion, Le jeu de saint Nicolas, Courtois d'Arras - Jean DUFOURNET
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samedi 26 décembre 2009

Le charme peu discret de la "bonne société orléanaise" dans LibeOrléans.fr


La bonne Société orléanaise : 1850-1914 : loisirs et sociabilité - Marie-Cécile Sainson La bonne Société orléanaise : 1850-1914 : loisirs et sociabilité - Marie-Cécile Sainson
23,00 €




jeudi 14 mai 2009

Saint Jacques. Le culte et les pèlerins en Val de Loire. Diocèses de Chartres, Blois, MOYEN ÂGE

Saint Jacques. Le culte et les pèlerins en Val de Loire. Diocèses de Chartres, Blois, Orléans et Bourges. Colloque organisé par la Société des Sciences et Lettres du Loir-et-Cher au Château royal de Blois le 13 avril 2007. Actes réunis par Pierre-Gilles GIRAULT, Orléans, Paradigme, 2008 ; 1 vol. in-8o, 236 p. (Medievalia, 67). ISBN : 978-2-86878-274-8. Prix : € 24,00.
Une pratique de grande envergure géographique, le pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, est envisagée dans un cadre restreint, celui d’une région administrativefrançaise actuelle, dénommée par défaut d’imagination Centre et correspondant à une demi-douzaine de départements. Les A. y ont enquêté, à travers les siècles, sur les différents témoignages et marques du culte de l’apôtre et de la pérégrination de ses dévots. En nous limitant ici à ce qui y relève de l’époque médiévale, on épinglera une contribution de portée générale de C. Vincent : elle y examine les divergences de vues et les réserves perceptibles dans le monde chrétien à propos de l’opportunité de l’acte de pèlerinage, demeuré néanmoins pratique intense et durable, et ce dès les Pères de l’Église et plus spécialement chez des prédicateurs de la fin du Moyen Âge. Les grands points d’appui de la recherche entreprise à l’échelle régionale sont d’abord les pèlerins eux-mêmes dans leurs « gestes » (D. Péricard-Méa), dans la littérature épique (P.G. Girault), dans la générosité royale manifestée par les aumônes (P. Aladjidi, qui élargit l’enquête à toute la France du bas Moyen Âge). Viennent ensuite les chemins et les sanctuaires (F. Michaud-Fréjaville, M. Bouyssou), les confréries (J.P. Sauvage), ferments de tels sanctuaires dits de proximité, l’iconographie (M. Tissier de Mallerais). On notera que là comme ailleurs, il faut se garder des extrapolations, en ce sens qu’une dévotion à saint Jacques, par exemple à la cathédrale de Chartres, ou une institution charitable à lui dédiée, comme à Blois, n’induit pas ipso facto une référence à la Galice. Il arrive aussi que l’on confonde, bien tard encore, l’apôtre de Compostelle et son homonyme, autre compagnon du Christ, Jacques dit le Mineur. Les célèbres « chemins de Saint-Jacques » français, en Val de Loire comme ailleurs, ne sont pas les itinéraires exclusifs des pèlerins – il est bien d’autres voies possibles – ni davantage des « tracés » exclusivement destinés à leur usage – marchands et voyageurs divers les empruntent simultanément : mais faut-il pour autant les rejeter dans l’espace d’une histoire « totalement mythique » (p. 25), formule ambiguë et déroutante pour le lecteur profane s’il en est, d’autant
plus qu’ils ont joui, fût-ce tardivement, d’un « prestige particulier », comme le souligne C. Beaune dans les conclusions du livre ? Au-delà de son ancrage régional, ce petit ouvrage illustré et bien présenté, clôturé par les réflexions d’un ecclésiastique blésois, pèlerin d’aujourd’hui, intéressera tous ceux que ne laisse pas indifférents l’anthropologie du fait pèlerin et, plus largement, religieux.

Jean-Marie CAUCHIES


Saint Jacques, le culte et les pèlerins en Val de Loire : diocèses de Chartres, Blois, Orléans et Bourges Saint Jacques, le culte et les pèlerins en Val de Loire : diocèses de Chartres, Blois, Orléans et Bourges
24,00 €




Pieter VAN REENEN, coll. Margôt VAN MULKEN et Evert WATTEL, Chartes de Champagne en français conservées aux Archives de l’Aube LE MOYEN ÂGE – CXV-2009

Pieter VAN REENEN, coll. Margôt VAN MULKEN et Evert WATTEL, Chartes de Champagne en français conservées aux Archives de l’Aube, 1270-1300, -283 p.
Cette édition de chartes champenoises fait suite à celle des documents antérieurs à 1271, qu’a préparée D. Coq (1988), dans la série française des Documents linguistiques de la France (dir. J. Monfrin). Elle comble un manque dans le corpus constitué par A. Dees et P.V.R. pour étudier l’ancien français1.
Le volume est subdivisé comme suit : introduction [V-XII], édition [1-172], table des noms de personnes et de lieux [173-209], glossaire [211-271], table des documents par fonds [273-275], bibliographie [277-278] et plan de Troyes au XIIIe s. [279-281].
L’introduction est maigre. P.V.R. y aborde les raisons qui l’ont poussé à éditer ces documents et la continuité de son travail par rapport à celui de D. Coq. P.V.R. se dispense ainsi de fournir une introduction complète et renvoie au travail de D. Coq concernant le cadre historique. Pour l’étude linguistique P.V.R. renvoie à la thèse de Y. Kawaguchi2. L’exploitation historique des matériaux est peu développée. Les analyses sont satisfaisantes et comprennent systématiquement les mentions des auteurs et des scelleurs en cas de juridiction gracieuse, ce qui sera utile aux historiens.
La transcription est « diplomatique ». Les abréviations sont résolues (et marquées par l’italique) et ‹ſ› est assimilée à ‹s›, mais la modernisation des oppositions entre ‹i› et ‹j› ou ‹u› et ‹v› n’est pas effectuée et aucun accent n’est ajouté. Selon P.V.R., la ponctuation n’est pas modernisée et l’édition conserve les signes originaux. Ces choix rendent le texte peu lisible pour qui n’a pas l’habitude de pratiquer les manuscrits, mais ont l’avantage de donner à lire un texte plus authentique. La transcription n’est cependant pas toujours fiable. P.V.R. fournit la photographie du premier document, ce qui permet de mettre à l’épreuve son travail et révèle que la transcription de la ponctuation est peu rigoureuse : plusieurs signes originaux manquent ou sont ajoutés. Les textes sont cependant bien présentés et pourvus de deux séries de notes – formes que l’É. a jugées « irrégulières » (marquées par sic) d’une part et notes explicatives d’autre part.
Toutes les occurrences de chaque mot ont été relevées, mais le glossaire est difficilement utilisable. On s’étonnera tout d’abord de n’y trouver aucune référence aux dictionnaires traitant de l’ancien français (au moins Gdf, TL, FEW et DEAF). Nous ne prendrons qu’un seul exemple, qui montre comment une mauvaise lecture peut se conjuguer à une mauvaise pratique glossairistique, l’article afie : 1) il s’agit d’une mauvaise lecture pour asie ; 2) l’entrée n’est pas à l’infinitif alors qu’il s’agit d’un verbe ; 3) la « traduction » ne l’est pas non plus, ce qui la rend non substituable (elle est contextuelle, suivant une mauvaise compréhension du texte). Enfin, le recours à des traductions plutôt qu’à des définitions des unités linguistiques est peu satisfaisant. L’agencement des entrées est par ailleurs perturbé. Ainsi, les verbes employés à des temps composés sont rangés dans une entrée dont la forme correspond au participe passé. Comme aucun accent n’a été ajouté, les mots sont difficilement reconnaissables sans contexte. D’autre part, comme la distinction entre ‹i› et ‹j› n’a pas été modernisée, on trouve ainsi le mot justice sous i puisqu’il est graphié ‹iustice›.
L’intérêt des tables de noms propres est diminué par l’absence de transcription des mentions dorsales, qui constituent un précieux adjuvant à leur identification.
En conclusion, cette édition des chartes de Champagne doit être manipulée avec prudence et ne devrait pas servir à des analyses automatisées, bien que l’édition soit accessible en ligne à l’adresse http://www.uni-stuttgart.de/lingrom/stein/ corpus/ (au 26/07/07).

Nicolas MAZZIOTTA

1. Voir A. DEES, Atlas des formes et des constructions des chartes franç aises du 13e s., Tübingen, 1980.
2. Recherches linguistiques sur le champenois méridional au Moyen Âge, Lille, 2002.


Chartes de Champagne en français conservées aux Archives de l'Aube, 1270-1300 - P. Van Reenen Chartes de Champagne en français conservées aux Archives de l'Aube, 1270-1300 - P. Van Reenen
28,00 €




Remembrances et Resveries. Mélanges Jean Batany, MOYEN ÂGE

Remembrances et Resveries. Mélanges Jean Batany, 1 vol. in-8°, 452 p.
Ce livre rassemble trente-deux articles classés selon quatre rubriques, correspondant aux principaux axes de recherche de J. Batany dont la biographie est esquissée (p. 7-8) et les travaux majeurs rappelés dans une bibliographie bien présentée (p. 9-18).
La première section comprend cinq études relatives au Tristan de Béroul : Le rendez- vous épié dans le verger dans les romans de Tristan de Béroul, d’Eilhart von Oberg et de Gottfried von Straßburg, ou la mise en scène de l’amour par D. Buschinger (p. 21-27) ; Quand Tristan réécrit son histoire… par H. Legros (p. 29-40) ; Marc en Assuérus, Iseut en Esther ? Les possibles enjeux d’une réminiscence biblique dans le Tristan de Béroul de F. Mora (p. 41-51) ; Valeurs nocturnes et souterraines de la carrière héroïque dans les romans de Tristan de J.M. Pastré (p. 53-62) et Le regard et la parole dans le Tristan de Béroul de J. Ribard (p. 63-67).
La deuxième partie regroupe huit contributions portant sur les Estats du monde auxquels J. Batany a consacré sa thèse de doctorat d’État : Le Pommier de douceur de Robert du Herlin (1481) par P.Y. Badel (p. 71-83) ; La hiérarchie sociale dans l’empire mongol vue par les voyageurs occidentaux (XIIIe-XIVe s.) par C. Deluz (p. 85-94) ; Éloy d’Amerval et les Estats du monde de R. Deschaux (p. 95-103) ; Dumeziliana mediaevalia
de J.H. Grisward (p. 105-116) ; Le Berger à la fin du Moyen Âge. Remarques sur une Figure Trifonctionnelle par D. Hüe (p. 117-138) ; Le rôle du bestiaire dans la représentation des estats et de leurs devoirs dans le Quadrilogue invectif d’Alain Chartier par D. Lechat (p. 139-151) ; Remarques sur les cibles du rire dans les fabliaux de chevalerie de J.L. Leclanche (p. 153-162) ; Sur quelques triades sociales : glanures des champs hispaniques
in honorem Jean Batany, de V. Serverat (p. 163-183).
Le troisième chapitre qui ressortit à l’épopée animale et à la fable recueille douze articles différents : Les oiseaux de proie dressés pour la chasse : de l’emblème nobiliaire aux frontières de l’allégorie d’A.M. Bégou-Ball (p. 187-196) ; Du prestre comporté, ou
comment se débarrasser d’un cadavre par G. Bianciotto (p. 197-209) ; Il complotto della volpe (e della donnola), ovvero : la retorica del trickster de M. Bonafin (p. 211-217) ; La « matière de Tibert » dans les manuscrits du Roman de Renart par D. Boutet (p. 219- 232) ; L’intertexte français du Dit du chat-loup, Detto del gatto lupesco de R. Brusegan (p. 233-261) ; Quelques autres brindilles le long de la branche X du Roman de Renart
(Renart et le vilain Liétart) par J. Dufournet (p. 263-272) ; Renart probablement animal, histoire et cinéma de X. Kawa-Topor (p. 273-287) ; Médecins et malades. Fables et proverbes par G. Mombello (p. 289-305) ; Un gastéropode chez les quadrupèdes, Tardif le Limaçon de B. Roy (p. 307-314) ; C’est chouette, ça ? de B. Sergent (p. 315-324) ; La couleur du loup. Esquisse de mythologie épique par P. Walter (p. 325-333) ; Le Livre du roy Rambaux
de Frise et du roy Brunor de Dampnemarche. Un exemplum du bon gouvernement de M. Zink (p. 335-343).
La dernière section, réservée aux questions de langue, comporte sept études :
De la deshonnesté que l’en fist au pappe Formose : le XXVIIe conte du Tombel de Chartrose (manuscrit 244 du Mont-Saint-Michel) par C. Bougy (p. 347-360) ; Le mot félon et apparentés : un sémantisme brisé de J. Chaurand (p. 361-371) ; Comment traduire
la Bible en français ? La solution méconnue de Sébastien Castellion (1555) par N. Gueunier (p. 373-386) ; Sur les gloses françaises de Rachi (1040-1105) par R. Kochmann (p. 387-404) ; Baligan ou les avatars d’un émir par S. Laîné (p. 405-428) ; Sur l’emploi, en toponymie normande, du faux adjectif médiéval viel, vieux de R. Lepelley (p. 429-436) ; enfin Le latin une « utile inutilité » de Léon Nadio (p. 437-445).
Cet ouvrage, riche et varié, constitue donc un bel hommage à J. Batany et atteste combien ses travaux scientifiques continuent d’être appréciés et de susciter d’intéressants prolongements.

Claude LACHET


Remembrances et resveries : hommage à Jean Batany Remembrances et resveries : hommage à Jean Batany
60,00 €




mercredi 13 mai 2009

Jean DUFOURNET, Le Roman de Renart, entre réécriture et innovation MOYEN ÂGE

Jean DUFOURNET, Le Roman de Renart, entre réécriture et innovation, 250 p.  Les éditions Paradigme qui avaient déjà publié en 1993 Du Roman de Renart à Rutebeuf ont eu la bonne idée de rassembler cette fois douze articles que J. Dufournet a consacrés, de 1971 à 2006, au Roman de Renart et à ses avatars.
Le recueil s’ouvre par une présentation générale (p. 7-17) de cet ensemble de vingtsix branches où l’A. distingue trois groupes : les récits composés entre 1175 et 1180, les contes écrits entre 1180 et 1200, enfin les derniers rédigés entre 1205 et 1250 ; il dégage aussi les sources mythiques, folkloriques et littéraires avant de souligner les « deux principes créateurs de l’arborescence et de la réécriture » à l’oeuvre dans ce « texte du ressassement » où l’on remarque d’une branche à l’autre, voire à l’intérieur d’une même branche des jeux subtils « d’amplifications, d’inversions et de variations » (p. 11). Si la plupart de ces récits se structurent autour de quêtes de nourriture et de justice, c’est la ruse qui confère au Roman de Renart une certaine unité. J.D. s’attache de surcroît à réhabiliter plusieurs branches qui ont mauvaise réputation, comme Le Siège de Maupertuis, La Confession de Renart, Renart le noir et Le Partage des proies. Grâce à un examen minutieux de ces récits dénigrés par la critique littéraire, il démontre avec perspicacité et finesse les intérêts et les mérites de chacun avec les quatre articles suivants : Défense et illustration de la branche Ia du Roman de
Renart (p. 19-41), La réécriture dans la Confession de Renart (branche VII du Roman de Renart). Jeux et enjeux (p. 43-54), Renart le noir : réécriture et quête de l’identité (p. 115- 136), Littérature oralisante et subversion : la branche XVIII du Roman de Renart ou le partage des proies (p. 161-184). La branche de Liétard est l’objet d’une double étude, comparative avec les Vêpres de Tibert dans Réécriture et arborescence dans le Roman de Renart (branches X et XI). Deux auteurs au travail (p. 55-76), et sociologique avec Portrait d’un paysan du Moyen Âge : le vilain Liétard (p. 77-114). Les innovations apportées par chaque conteur et les spécificités de chaque branche sont clairement expliquées comme c’est encore le cas pour L’originalité de la branche XVII du Roman de Renart ou les trois morts du goupil (p. 137-159). J.D. propose aussi un compte rendu précis de la thèse de J. Scheidegger, Le Roman de Renart ou le texte de la dérision, avant de s’intéresser aux adaptations modernes du roman médiéval avec le Renert luxembourgeois de M. Rodange (p. 191-206), Le Roman de Renard de M. Genevoix (p. 207-230), Le Roman de Renart d’A.M. Schmidt et la bande dessinée-série noire, Le Polar de Renard de J.G. Imbar et J.L. Hubert (p. 231-248).
En définitive l’ouvrage de J.D. illustre parfaitement la vitalité du Roman de Renart qui, à travers toutes ces réécritures et ces adaptations du Moyen Âge à notre époque, ne cesse de se renouveler pour notre plus grand plaisir.

Claude LACHET


Le Roman de Renart, entre réécriture et innovation  - Jean DUFOURNET Le Roman de Renart, entre réécriture et innovation - Jean DUFOURNET
30,00 €




vendredi 8 mai 2009

La lettre dans la littérature romane du Moyen Âge. Études réunies par Sylvie LEFÈVRE, LE MOYEN ÂGE – CXV-2009 631

La lettre dans la littérature romane du Moyen Âge. Études réunies par Sylvie LEFÈVRE,  215 p.
S’attachant à définir la lettre comme un genre à part entière au sein de la littérature médiévale, les études réunies par S. Lefèvre tracent à travers des exemples précis et représentatifs les grandes lignes d’une histoire poétique de l’écriture épistolaire vernaculaire : elles en dégagent les principaux problèmes, comme le rapport entre expression subjective et codification. S. Lefèvre, A. Sultan et E. Doudet interrogent les présupposés de la critique
dans la définition de la lettre comme genre littéraire. S. Lefèvre situe le débat et en dégage les enjeux en montrant que les controverses autour de Jean de Gisors, du Voir Dit et d’Abélard et Héloïse reposent sur une opposition arbitraire des notions de construction littéraire et d’authenticité, soit qu’une lettre soit reçue sans recul comme un témoignage véridique, soit qu’une correspondance soit lue à travers l’opposition de l’authentique et de l’artificiel assimilé au faux, sans tenir compte du projet littéraire d’ensemble. A. Sultan revient sur le problème de l’effet de réel épistolaire en confrontant la lecture biographique du Voir Dit à une lecture médiévale sensible à la valeur littéraire des épîtres en prose : les variantes du manuscrit Pm (Pierpont Morgan Library M396) relèvent d’une volonté concertée d’adaptation des lettres aux mutations du lyrisme amoureux et de l’art épistolaire entre le Voir Dit et la Belle Dame sans Mercy. Interrogeant le rejet des correspondances des Rhétoriqueurs hors du genre épistolaire, E. Doudet montre que l’emploi du vers et de la rhétorique épidictique dans leurs lettres, critère de cette exclusion, répond en fait à la même dynamique que pour les correspondances humanistes, celle d’une communication semi-privée entre lettrés engagés dans la vie publique, et dégage la poétique qui régit ces échanges épistolaires pris entre sodalitas et concurrence. D. Demartini et M.L. Savoye décrivent les rapports que la lettre entretient avec d’autres textes dans l’écriture médiévale. D. Demartini analyse la fonction remplie par les épîtres insérées dans le Tristan en Prose, qui marque le passage d’une fonction essentiellement dramatique de ces insertions à une perception de leur valeur esthétique : ces missives se veulent aussi des modèles à travers lesquels se réfléchissent aussi bien un art épistolaire conscient de sa singularité que le roman lui-même. M.L. Savoye analyse la fonction conclusive des deux saluts qui forment l’envoi du Livre des Miracles de Gautier de Coinci. L’examen rigoureux de la structure du cycle où s’insère cette ultime salutation mariale met en lumière la différence de fonction entre le salut non lyrique et le salut lyrique, chant collectif amené par l’ensemble des pièces précédentes. Trois contributions dégagent les rapports entre les épîtres romanes et les traditions épistolaires parallèles. O. Guyotjeannin étudie les jeux d’influence réciproque entre les pôles épistolaire et diplomatique au sein des chancelleries en conjuguant approche typologique et tableau chronologique. Il montre comment la tension entre la forme de la lettre (privée ou publique) et la fonction du titre (acte officiel qui atteste et valide) a provoqué l’émergence de modèles complémentaires qui se sont définis en s’opposant successivement les uns aux autres. L. Barbieri et S. Marinetti décrivent la réception des Héroïdes en langue romane. L. Barbieri analyse les épîtres traduites et insérées dans la cinquième version en prose du Roman de Troie : il y voit un jalon essentiel dans la réappropriation courtoise d’Ovide. Contre les tenants d’une influence directe des Héroïdes sur la genèse du salut d’amour occitan, S. Marinetti affirme que celle-ci a été médiatisée par la poésie mediolatine et la réappropriation scolastique
des épîtres ovidiennes à la lumière des artes dictaminis et de la lyrique courtoise.
La diversité de ces communications reflète la variété d’une pratique qu’elles étudient avec rigueur et précision : leur analyse, aussi bien philologique que littéraire, montre que la lettre médiévale est un genre hybride, au carrefour de traditions multiples et susceptible de remplir des fonctions variées, mais pour lequel les notions de modèle et d’art restent essentielles.

Fanny OUDIN


La lettre dans la littérature romane du Moyen Age : journées d'études, 10-11 octobre 2003, Ecole normale supérieure La lettre dans la littérature romane du Moyen Age : journées d'études, 10-11 octobre 2003, Ecole normale supérieure
34,00 €




mardi 14 avril 2009

Jean DUFOURNET, L’univers de Rutebeuf, LE MOYEN ÂGE – CXV-2009

Jean DUFOURNET, L’univers de Rutebeuf, Orléans, Paradigme, 2005 ; 1 vol. in-8°, 256 p.
(Medievalia, 56). ISBN : 2-86878-253-1. Prix : € 30,00.
Les éditions Paradigme ont eu la bonne idée de rassembler les articles que J. Dufournet a consacrés au poète Rutebeuf de 1978 à 1996. La plupart avaient déjà été réunis dans un ouvrage intitulé Du Roman de Renart à Rutebeuf, paru en 1993 chez le même éditeur et regroupant huit écrits sur Renart et dix sur Rutebeuf. Ce nouveau recueil, à la présentation plus soignée, ajoute quatre études aux dix précédemment publiées, à savoir : Les poèmes de Rutebeuf, Desserrer l’étau de la mort : de Rutebeuf à Villon,
Quelques exemples de la défense des jongleurs au Moyen Âge et La cécité de Rutebeuf, dont la provenance doit être complétée : il s’agit d’une notice extraite du numéro spécial de la revue consacré aux Figures littéraires de la cécité du Moyen Âge au XXe siècle1.

Après l’introduction de R. Dragonetti soulignant à juste titre la polyvalence, la pertinence et l’aspect novateur des travaux critiques de J.D., une première approche classe très clairement l’oeuvre de Rutebeuf, abondante et disparate, selon les thèmes développés, les grandes causes défendues et la chronologie (p. 25-39). L’A. dégage ainsi cinq grands massifs : les poèmes de commande relatifs à l’Église et à la querelle opposant les ordres mendiants à l’Université ; les autres pièces d’actualité prêchant la croisade ; les « poèmes de l’infortune », tournés « vers la satire du monde » et vers
« la réalité médiocre des souffrances de la vie banale » ; les oeuvres religieuses (vies de saintes, miracles et poésies mariales) ; enfin les pièces à rire (fabliaux, débats et monologue comique). Il s’intéresse aussi à l’ambiguïté du sobriquet du poète (p. 67-74) et à sa condition de jongleur (p. 229-249). Ici et là il découvre des échos entre ses poèmes et le Roman de Renart (p. 41-60), entre Rutebeuf et Villon (p. 205-227) ou entre le Miracle de Théophile et plusieurs pièces (p. 161-180).
À des commentaires littéraires judicieux sur la Complainte Rutebeuf (p. 83-89), la Pauvreté Rutebeuf (p. 91-101), la Repentance Rutebeuf (p. 103-118) ou les vingt et un premiers vers de Renart le Bestourné (p. 61-65), se mêlent des analyses plus générales, concernant « la poésie de l’eau » (p. 75-82), la Vierge (p. 181-203), la mort (p. 205-227), et les images récurrentes d’un monde perverti, renversé, masqué, fermé, où « le Mal livre une guerre constante au Bien » (p. 135), où « les justes, les bons, les malheureux sont abandonnés » (p. 141), où « l’obscurité triomphe de la lumière » (p. 153), où « le Mal s’est glissé à l’intérieur du Bien et en a revêtu l’apparence » (p. 156).
En définitive les quatorze articles de grande qualité, réunis dans ce livre, nous permettent de mieux comprendre la véritable personnalité de ce poète, moraliste satirique et voir disant, l’originalité et l’unité d’inspiration d’une oeuvre, certes encore soumise aux goûts et aux idées de ceux qui le rétribuent, certes en partie conforme aux thèmes et aux procédés rhétoriques de son époque, mais qui s’écarte des traditions et notamment de la lyrique courtoise par une authentique présence au monde. Rutebeuf a tellement côtoyé d’imposteurs et d’hypocrites, il a pris lui-même tant de masques qu’il sait bien que le plus sûr moyen d’obtenir le Salut, d’atteindre le Paradis, c’est de suivre la voie difficile et peu fréquentée, la voie constamment attaquée par les imposteurs de toute nature, la voie qu’il défend de toutes ses forces par la magie de son verbe, la Voie de la Vérité.

Claude LACHET

1. T. 12-13, 1996, p. 151-153.


L'UNIVERS DE RUTEBEUF - Jean DUFOURNET L'UNIVERS DE RUTEBEUF - Jean DUFOURNET
30,00 €




lundi 16 février 2009

Bernard GUIDOT, Chanson de geste et réécritures, LE MOYEN ÂGE – CXV-2009 445

Bernard GUIDOT, Chanson de geste et réécritures, Orléans, Paradigme, 2008 ; 1 vol.
in-8°, 438 p. (Medievalia, 68). ISBN : 978-2-86878-275-5. M68 Prix : € 32,00.
Après F. Suard en 1994, c’est à B. Guidot, autre spécialiste de la matière épique, de proposer un recueil de ses travaux dans le cadre de la collection Medievalia. Cet élégant volume ne rassemble pas moins de vingt-cinq de ses articles, dont les dates de composition s’échelonnent sur près de deux décennies (de 1984 à 2001), l’ensemble formant une somme précieuse et considérable qui échappe au disparate tant s’y affirment les constantes de la pensée, du style et des centres d’intérêt de l’A. C’est au concept d’« irradiation cyclique » d’assurer l’unité d’un ouvrage qui n’a de cesse de souligner le dynamisme du genre épique, présenté à tort comme sclérosé. Pour l’A., la chanson de geste est le lieu d’une tension entre tradition et renouveau. Il s’applique ainsi à montrer comment une légende épique « se perpétu[ant] à travers les âges » est adaptée par « des esprits nouveaux […] au sein de civilisations différentes » (p. 133).
D’où la récurrence, dans ses études d’ensemble (sur des cycles) comme de détail (sur des chansons), des notions de « fixité », de « stabilité » ou de « permanence » auxquelles répondent celles de « dérive », de « mutation », de « renouveau oblique », de « parodie » ou encore d’« originalité ». La lecture de ce recueil permet d’apprécier l’évolution d’une réflexion ambitieuse embrassant des champs littéraires de plus en plus vastes : si les articles les plus anciens sont dédiés à l’épopée médiévale – avec une nette prédilection pour le Cycle de Guillaume d’Orange auquel près de la moitié des travaux est consacrée (dont quatre à la seule Chanson des Aliscans) –, les articles les plus récents (1995-2001) témoignent d’un intérêt croissant pour les formes tardives et trop souvent méprisées de la chanson de geste. Les contributions sont judicieusement regroupées en six chapitres thématiques dont un bref avant-propos précise les orientations. Monde chrétien et monde sarrasin traite de l’idéologie parfois déroutante ou ambiguë qui anime un cycle tel que celui des Lorrains, « puzzle manichéen aux contrastes saisissants » (p. 47), ou des chansons telles que Raoul de Cambrai, « vouée au culte de la violence et de l’horreur » (p. 9), Hervis de Mes, dont le héros est déchiré entre la noblesse et la bourgeoisie, ou encore Le Siège de Barbastre, où s’exprime « une nouvelle vision du monde, fondée sur des rapprochements ponctuels entre Sarrasins et [chrétiens] » (p. 68). Prenant pour objets d’étude les gestes des Lorrains et des Narbonnais, le chapitre Familles et Cycles s’intéresse au processus de mise en cycle (indissociable de la question lignagère) et en particulier à la question du remaniement et des « effets de distance » qui en découlent (p. 90), Aliscans retenant l’attention de l’A. par ses « glissements de rôles » et ses substitutions « révélatrices de modifications dans les équilibres » traditionnels de la Geste (p. 119). Regard et points de vue s’interroge sur la partialité du trouvère dans Garin le Loherain ou sur l’implication de l’auteur d’Aliscans. Le chapitre Imaginaire et illusion réunit trois études sur Renaut de Montauban

abordant les questions de l’idéalisation, de la métamorphose, de l’incertitude et du rôle de la Providence. Fantaisie et humour met en relief la truculence, le pittoresque et la dérision caractéristiques du Cycle de Guillaume qu’incarne plus que nul autre le personnage de Rainouart au tinel, « bouffon venu de l’ombre » devenu « un des membres fondateurs de la geste de Narbonne » (p. 147). Enfin, dans l’ultime chapitre (Réécritures), l’A. se penche sur les mises en prose du XVe siècle (au premier chef sur le Guillaume d’Orange, qui contient une réécriture du Siège de Barbastre) et sur les
adaptations populaires de Huon de Bordeaux et de Renaut de Montauban (les Quatre fils Aymon). Cette dernière chanson fait l’objet de deux articles dans lesquels l’A. met en évidence le manichéisme simpliste et le goût du pathétique qui se manifestent dans la réécriture anonyme de la Bibliothèque Bleue, tout en reconnaissant à cette littérature modeste « le mérite d’avoir conservé au moins quelques bribes d’un Moyen Âge que la science philologique, dans le dernier quart du XIXe siècle, commença à exhumer dans sa pureté originelle » (p. 432).

Delphine DALENS-MAREKOVIC


CHANSON DE GESTE ET RÉECRITURES - Bernard GUIDOT CHANSON DE GESTE ET RÉECRITURES - Bernard GUIDOT
45,00 €




vendredi 2 janvier 2009

Mouvances et Jointures. Du manuscrit au texte médiéval. MOYEN ÂGE

Mouvances et Jointures. Du manuscrit au texte médiéval. Textes réunis par Milena MIKHAÏLOVA, Orléans, Paradigme, 2005 ; 1 vol. in-8°, 334 p.
Ce volume réunit les actes du colloque international organisé par le CeReS –Université de Limoges, du 21 au 23 novembre 2002. S’inscrivant dans le mouvement des approches critiques fondées sur les concepts de mouvance et de variance du texte médiéval, l’ensemble des contributions s’attachent à la problématique posée par les rapports du texte à son environnement manuscrit, généralement occultés par la pratique habituelle de l’édition critique, alors qu’ils conditionnent largement son identité. Elles tentent ainsi de définir les aspects et les conditions de la mobilité du texte, qui peut être inhérente aux différentes pratiques de la mise en recueil, mais semblerait tout aussi bien relever d’un projet littéraire prémédité. Après une introduction de M. Mikhaïlova et une préface de J. Cerquiglini-Toulet consacrées à quelques réflexions sur la notion de texte dans l’espace du manuscrit, les différentes
contributions sont rassemblées en trois sections. La première, intitulée Insertions et Jointures, est consacrée à l’étude des principaux types de jointures, qui constituent autant des raccords que des marques de séparation, permettant aussi bien l’homogénéisation du texte que sa fragmentation. K. Busby interroge de ce point de vue les tituli qui, dans le fragment d’Yvain contenu dans le ms. Montpellier, BIU, Sect. Méd. H 252., pallient l’absence d’images. F. Laurent montre, dans le Guillaume de Dole de Jean Renart, les contraintes énonciatives qui régissent les jointures entre les parties narratives et les insertions lyriques. M. Demaules constate que, dans le Lancelot-Graal, les songes contribuent à la mise en cohérence des différents textes qui constituent ce vaste cycle. Pour D. Maddox, les insertions narratives de la Folie Tristan d’Oxford confèrent à ce texte une fonction de récit-cadre à de micro-récits. Une seconde section est intitulée Malléabilité du texte, textualité ductile. Est exemplaire à ce titre la Bible d’Herman de Valenciennes, dont M. Boulton analyse la tradition manuscrite particulièrement complexe. Exemplaire aussi, pour N. Regalado, le travail de découpage et d’interpolations que Jean Molinet, dans son Romant de la Rose moralisé, a fait subir au vieux Roman de la Rose. J.J. Vincensini revient sur le Roman de Mélusine pour montrer que les différentes variantes de ce texte « chamarré » et polygénérique, loin de tendre vers l’incohérence et l’hétérogénéité, déplient au contraire une solide organisation symbolique. Quant au risque d’incohérence auquel sont particulièrement exposées les oeuvres cycliques, « fatalement mouvantes », R. Trachsler l’aborde dans le cadre d’une réflexion méthodologique, en rapprochant l’exemple du Lancelot-Graal, plus particulièrement la Suite-Vulgate du Merlin, de la série des Harry Potter. Une troisième section est consacrée à L'œuvre et l’espace du recueil. Quatre communications reviennent sur la composition du célèbre manuscrit Paris, BnF, fr. 837, véritablerecueil-bibliothèque, pour remettre en cause l’image traditionnelle d’une compilation hétéroclite : Y. Foehr-Janssens en proposant de lire le Dit du Barisel comme un prologue programmatique, lieu de dévoilement des éléments d’une conjointure paradoxale ; O. Collet en suggérant que ce recueil-anthologie constituerait une somme des « expériences » littéraires et formes « transgressives » tendant à renouveler la création poétique en langue française ; W. Azzam en constatant que les oeuvres de Rutebeuf constituent comme un recueil à l’intérieur du recueil, miroir des tensions thématiques du recueil enchâssant ; S. Lefèvre en montrant combien l’hybridation du narratif et du lyrique inscrit les unica – en particulier saluts et complaintes d’amour – de façon cohérente dans cet immense répertoire. Par ailleurs, G. Parussa renouvelle par une approche globalisante la lecture de l’ensemble des textes essentiellement dramatiques du ms. Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, 1131. En font de même L. Walters pour les textes romanesques « chrétiens » rassemblés dans le ms. Chantilly, Musée Condé 472, et C. Lucken pour le manuscrit autographe des poésies de Charles d’Orléans, Paris, BnF, fr. 25458. Si l’enjeu était bien de nous inviter à abandonner nos critères et nos habitudes de lecture, il est atteint. Mais la problématique ici explorée par des voies multiples reste encore largement ouverte.
Jean-Pierre PERROT


Mouvances et jointures : du manuscrit au texte médiéval Mouvances et jointures : du manuscrit au texte médiéval
39,00 €




lundi 20 octobre 2008

MOT SO RAZO : Othon de Grondson chevalier et poète

Othon de Grondson chevalier et poète

Jean-François Kosta-Théfaine Orléans: Éditions Paradigme, 2007, 204 pp

Othon de Grandson (c. 1345- 1397) es el poeta francès mes  important de la segona meitat del  segle xiv. Hereu de Guillaume de  Machaut, va dur fins a l'extrem la  retorica de la tristesa amorosa i el  plany del màrtir d'amor. EIs seus  poèmes marcaran profundament  la poesia francesa des del tombant de segle fins a mitjan segle xv  i autors corn Christine de Pizan i  Alain Chartier en seran clarament  deutors. Admirât per Geoffrey  Chaucer, en l'obra del quai va  deixar traces, la poesia d'Othon  de Grandson va ser àmpliament   difosa i coneguda arreu. A casa   nostra, un recull de poèmes seus   van ser compilais al cançoner Ve-  ga-Aguilô (Barcelona, Biblioteca   de Catalunya, mss. 7-8).
     

Nascut a la Savoia, en una familia de l'alta noblesa del Vaud,
  Othon de Grandson va destacar també pels seus fets d'armes, participant en diverses campanyes angleses. Va estar al servei del duc de  Lancaster i després d'Amadeu VII de Savoia, en la mort del quai se'lva acusar d'haver participât. A causa d'aquest afer va haver de    refugiar-se a Borgonya i després a Anglaterra sota la protecciô del rei. Finalment Caries VI de França va retornar-li les terres que li havien confiscat i el va rehabili-tar. Tôt i aixi, el cavalier Gérard d'Estavayer va continuar acusant-lo i el va reptar a un combat singu-lar a ultrança. Grandson va morir de resuites de l'enfrontament.
    El Ilibre Othon de Grandson chevalier et poète, a cura de Jean-François Kosta-Théfaine, aplega vuit treballs que tracten diver¬ ses aspectes de la figura i l'obra literària d'Othon de Grandson. L'objectiu del recull, tal corn es diu a la introduccio, es doble: d'una banda, revifar l'estudi de la figura d'Othon de Grandson i, de l'altra, constituir un complément de la nova ediciô crftica de l'obra del poeta, a carrée de Joan Gre-nier-Winther, que publicarà ben aviat Éditions Champion. Al final del Ilibre, amb el tftol de «L'état de la recherche sur Othon de Grandson», Kosta-Théfaine es-bossa un estât de la qùestiô molt complet que dôna compte de manuscrits, impresos i edicions, i que présenta breument tots eis estu-dis literaris, historiés i biogràfics publicats fins ara sobre el poeta savoià. Aquest panorama biblio-gràfic permet fer-se carrée de fins a quin punt Othon de Grandson hauria estât un autèntic desco-negut si no l'hagués rescatat de l'oblit Arthur Piaget. En efecte, el Ilibre vol ser també un homenatge a Piaget, i amb aquest objectiu es reprodueix l'article «Les poésies d'Othon de Grandson», el primer treball que aquest estudios va de-dicar al poeta, acompanyat d'una petita joia filolôgica: la reproduc-cio de les primeres pagines de la seva transcripcio del Livre Messire Ode segons el manuscrit 10961-70 de la Biblioteca de Brusselles.
    Encapçala el volum un estudi de Daniel Chaubet sobre l'episodi final de la vida del poeta, amb una atenciô especial al duel que el va enfrontar a Estavayer, sobre el quai es reprodueix documentadô fins ara inèdita. Segueix un article de Joan Grenier-Winther que analitza eis manuscrits de l'obra de Grandson i d'Alain Chartier amb l'objectiu de determinar l'autoria del poema conegut amb el nom de La Belle Dame qui eut merci. Després de l'article i la transcripcio d'Arthur Piaget esmentats mes amunt, Catherine Attwood aborda alguns aspectes de la formula-cio del diseurs amorôs en Grand¬ son. A continuaciô la seva obra es comparada, des d'angles diverses, amb la d'altres poètes: Heather Arden estableix parailels entre el Livre Messie Ode i el Livre du duc des vrais amans de Christine de Pi-zan, lan Laurie compara la mètrica de les balades de Grandson amb les d'Eustache Deschamps i Hélène Basso analitza la quête amorosa al Dit de l'Alérion de Guillaume de Machaut i al Livre Messire Ode. Finalment, Alain Corbellari fa un recorregut historié per la recepcio del poeta a la Suïssa romande.
    Dels vuit treballs d'aquest Ili¬ bre, innovadors i amb aportacions importants, cal destacar-ne so-bretot dos. En primer Hoc, l'article «La dialectique amoureuse chez Othon de Grandson», de Catherine Atwood, perquè présenta  breument i amb claredat, basant-se en eis textes, com construeix Grandson el diseurs amorôs: vo-cabulari, expressions, anti'tesis, te-màtica i motius principals. L'article, de caràcter divulgatiu, pot servir per situar el lector que no conegui l'obra de Grandson i introduir-lo en la retôrica de to marcadament trist que defmeix la seva poesia, basada en un amor en essènda contradiction. El segon article que cal destacar es «On thé Autorship of La Belle dame qui eut mercy», de Joan Grenier-Winther, no tant per la qùestiô concreta que s'hi tracta -l'autoria d'un poema tradicional-ment atribuït a Grandson-, sinô sobretot perquè aporta una visiô général de la tradiciô manuscrita de l'obra del poeta. A través de l'estudi de la transmissio d'un poe¬ ma, s'hi presenten eis manuscrits que recullen l'obra de Grandson i se'n descriu a grans frets la difusiô, en bona part Iligada al nom d'Alain Chartier. Es un estudi modèlic pel que fa a la metodologia, que avala la qualitat de la nova ediciô cntica de l'obra compléta de Grandson que prépara l'autora.
    Aquest Ilibre, sensé grans pré-tensions perô amb cura i eficàcia, marca un punt d'inflexiô: es la primera vegada, des que Arthur  Piaget va publicar-ne l'obra com¬ pléta el 1941, que es présenta la poesia d'Othon de Grandson amb voluntat de conjunt i anàlisi cntica. Cal esperar que, a mes de  l'edicio de Joan Grenier-Winther, apareguin altres treballs que cor  regeixin el descuit historic de la cntica literària envers una de les grans figures de la poesia fran-cesa tardomedieval. Fora bo que aquests nous aires bufessin aquf també i revifessin l'interès que Amadée Pages va dedicar a  Grandson a La poésie française en  Catalogne (1936).
                   

MARTA MARFANY


Othon de Grandson, chevalier et poète - Jean-François Kosta-Théfaine Othon de Grandson, chevalier et poète - Jean-François Kosta-Théfaine
31,00 €




mardi 1 juillet 2008

Livre des miracles de saint Gilles. La vie d’un sanctuaire de pèlerinage au XIIe siècle

Comme le rappelle A. Vauchez dans son élogieuse préface, l’abbaye de Saint-Gilles du Gard fut durant les XIe et XIIe siècles un lieu de pèlerinage des plus fréquentés, et Gilles – dont on sait pourtant si peu de choses – un des saints les plus vénérés d’Occident. C’est donc « un heureux événement et une initiative très opportune », comme le dit encore A. Vauchez, que de publier pour la première fois en intégralité, accompagné d’une traduction française et d’un savant commentaire, le texte latin du Liber miraculorum sancti Egidii, qui en trente récits de miracles rassemblés par deux rédacteurs successifs – une première rédaction de Pierre Guillaume, qui se présente dans son prologue comme le bibliothécaire de l’abbaye, entre 1120 et 1124, est en effet complétée par un continuateur anoyme à la fin du XIIe siècle – couvre un siècle de vie du sanctuaire.

2L’ouvrage se divise en trois parties d’inégale longueur. Suite à la préface d’A. Vauchez, M. et P.-G. Girault proposent un rapide bilan historiographique sur les recueils de miracles, dont ils soulignent par ailleurs l’intérêt pour accéder à une image vivante de la société et de la spiritualité médiévales, dans cet esprit d’ouverture qui avait déjà guidé les auteurs de Visages de pèlerins au Moyen Age (Zodiaque, 2001). Les informations essentielles concernant la vie de saint Gilles, l’histoire du culte et du pèlerinage complètent cette rapide introduction, qui s’achève sur une présentation des deux manuscrits contenant le Liber et des principes ayant guidé l’édition.

3Le texte latin des trente miracles est ensuite proposé à la lecture, avec sa traduction française en vis-à-vis. Des deux manuscrits existants, c’est le BNF lat 13779 qui a logiquement été retenu, puisque c’est à la fois le plus ancien et le plus complet, à l’exception du premier miracle inséré dans le prologue (« Sur une femme aux mains contractées »), dont le texte se trouve seulement dans le second manuscrit. Sans être très originaux, ce qui n’est évidemment pas l’objet de ce type de récits, les miracles relatés dans le Liber n’en présentent pas moins quelques particularités qui font leur prix : loin de n’être que de secs comptes rendus, la plupart des récits se caractérisent par leur longueur et la précision de leurs notations géographiques ou politiques ; ils se situent volontiers, non pas à proximité de Saint-Gilles, mais dans des régions très éloignées (Allemagne, Pologne, Italie, Espagne), ce qui témoigne bien du rayonnement exceptionnel du culte ; enfin les miraculés font surtout appel à saint Gilles non pour les guérir, mais pour les faire évader de prison ou échapper à la pendaison – le miracle du pendu dépendu apparaissant comme une sorte de spécialité du saint dans ce recueil.

4Dernière partie de l’ouvrage, un copieux commentaire qui met bien en évidence quel gisement d’informations donne à exploiter le Liber : d’abord sur le texte lui-même, ses auteurs et les circonstances de sa rédaction ; sur le sanctuaire de Saint-Gilles ensuite, sa disposition et son évolution architecturale, en particulier de l’abbatiale préromane, abattue en 1116, à l’abbatiale romane, « qui est alors un des plus vastes édifices du Sud de la France » (p. 236) ; sur les pèlerins, leur origine géographique (souvent lointaine) et sociale, leurs motivations, et sur les pratiques religieuses associées au pèlerinage (prières, offrandes et ex-voto) ; enfin sur les miracles en eux-mêmes, dont M. et P.-G. Girault proposent une typologie, tout en éclairant judicieusement leurs rapports aux différents modèles scripturaires et hagiographiques (à commencer bien sûr par la Vita sancti Egidii).

5Bibliographie, index, cartes et illustrations complètent cette publication d’une incontestable qualité, qui mérite d’être recommandée à tout amateur de la civilisation médiévale, spécialiste ou non.

Silvère Menegaldo, « Livre des miracles de saint Gilles. La vie d’un sanctuaire de pèlerinage au XIIe siècle », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 2007, mis en ligne le 01 juillet 2008,. URL : http://crm.revues.org/2695


Livre des miracles de saint Gilles - Marcel et Pierre-Gilles GIRAULT Livre des miracles de saint Gilles - Marcel et Pierre-Gilles GIRAULT
28,00 €




lundi 7 janvier 2008

OTHON DE GRANDSON, CHEVALIER ET POETE dans New zealand journal of french studies

OTHON DE GRANDSON, CHEVALIER ET POÈTE. Etudes réunies par Jean-François Kosta-Théfaine. Medievalia 63. Paradigme, Orléans, 2007, pp. 204.

This is a timely publication focusing on Othon de Grandson, a fourteenth-century poet whose poetry has been dwarfed by his réputation as a knight who served in England and died in a judicial duel in 1397 at Bourg-en-Bresse. He was falsely implicated in thé death of Amédée VII of Savoy in 1391, rehabilitated by Charles VI, but accused again by Gérard d'Estavayer who then held thé Grandson lands and challenged Othon to single combat to décide thé controversy. Contemporary writers - Geoffroy Chaucer, Froissart, Eustache Deschamps, Christine de Pizan, Alain Chartier, George Chastelain - ail mention him. Thé main source of information has been a séries of essays by Arthur Piaget, thé first of which, from Roman/a 18 (1889), is reprinted in this volume, and his édition of thé poetry (Neuchâtel, 1941). A new critical édition will soon be published by Honoré Champion, Paris. He was a prolific poet, with his work contained in twenty-one known manuscripts. As thé bibliography and références attest and Kosta-Théfaine's essay on thé présent state of research amplifies, there has been a growing trickie of publications devoted to thé texts, biography, and literary study. Thé collection includes a study of thé duel, with some documents and illustrations, but concentrâtes on literary aspects: authorship of thé poem "La Belle dame qui eut mercy", thé love dialectic, and two studies based on Le Livre de Messire Ode'. Heather Ardern comparing thé work with Christine de Pizan's Le Livre du duc des vrais amants and Hélène Basso contrasting ils treatment of thé love quest with that of Guillaume de Machaut's Le Dit de l'Alénon. lan Laurie (Melbourne) examines Othon de Grandson's affinities with Eustache Deschamps, in poetic form and structure, rather than in thèmes or personal relations, although Deschamps records anecdotally their encounter at Calais. Claimed by Romande Switzerland as its leading médiéval poet, Othon de Grandson has been celebrated there in drama and in music. It is a compact, well produced book in an established séries, which will usefully complément thé forthcoming édition of Othon de Grandson's poetry.

Massey University                         GLYNNIS M. CROPP
 


lundi 1 octobre 2007

Gallouédec dans Ouest-France

Biographie

Gallouédec, géographe
de la IIIe République

 

Georges Joumas est historien. Cet ancien instituteur et professeur d'histoire-géographie s'est penché avec passion et rigueur sur l'un de ses illustres prédécesseurs. Louis Gallouédec, c'est son nom, est devenu le sujet de sa thèse de doctorat. Aujourd'hui, ce travail universitaire fait l'objet d'une adaptation destinée à un plus large publique. Une démarche pertinente car ce nom rappelle bien des souvenirs. L'homme a donné son nom à cinq millions de livres destinés aux écoles de la République. La Troisième.

Georges Joumas raconte donc l'itinéraire de ce Breton né, pauvre, à Morlaix en 1864. Devenu boursier d'état, il passe l'agrégation d'histoire en 1888 après avoir suivi, à l'Ecole normale supérieure, les cours de Paul Vidal de La Blache. Il sera d'abord professeur puis Inspecteur général. Grand spécialiste de la Bretagne et de la Loire, il abandonne assez vite la recherche. Il se consacre alors à la rédaction de manuels scolaires, les fameuxGallouédec et Maurette qui sont à la géographie ce que les Malet et Isaac sont à l'histoire.

L'affaire Dreyfus le fait rentrer en politique. Dreyfusard, il est l'un des fondateurs de la section du Loiret de la Ligue des droits de l'homme. Élu maire de Saint-Jean-de- Braye (Loiret) en 1912, il le restera jusqu'à sa mort en 1937. Pour son biographe Georges Joumas, « Louis Gallouédec apparaît comme le géographe engagé dans le politiquement correct d'une Troisième République modérée, laïque, patriote et coloniale. Il s'identifie à elle : il en est l'achétype. »

Gallouédec, géographe de la IIIe République, Georges Joumas,
éditions Paradigme, 446 pages, 29 €

Alain BESSEC

 


LOUIS GALLOUÉDEC, 1864-1937 : géographe de la IIIe République - Georges JOUMAS LOUIS GALLOUÉDEC, 1864-1937 : géographe de la IIIe République - Georges JOUMAS
19,00 €




vendredi 6 juillet 2007

Gallouédec était un partisan de la canalisation de la Loire !


LOUIS GALLOUÉDEC, 1864-1937 : géographe de la IIIe République - Georges JOUMAS LOUIS GALLOUÉDEC, 1864-1937 : géographe de la IIIe République - Georges JOUMAS
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