JEANNE D’ARC L’INSPIRATRICE
En présentant la belle anthologie poétique que Bernard Lorraine et Anne Lise Diez avaient rassemblée autour de Jeanne d’Arc, nous indiquions voilà un an, dans notre numéro 32 (novembre 2007), que plus d’un million et demi de pages étaient consacrées sur Internet à la « bonne Lorraine qu’Anglais brûlèrent à Rouen ». À la date de parution d’une nouvelle et aussi belle anthologie, Jeanne d’Arc. La voix des poètes, regroupant 108 poèmes inspirés par Jeanne, en mai dernier, c’étaient 2 360 000 pages qu’on pouvait consulter sur Jeanne d’Arc ; en septembre, 3 600 000. Dans leur intéressante préface, les deux auteurs de ce nouveau recueil esquissent plusieurs raisons de cet intérêt croissant. C’est que Jeanne apparaît comme une sainte peut-être, une héroïne certainement, on pourrait dire surtout un symbole des valeurs que méprise et bafoue notre monde mercantile. Comme le précisent les auteurs, « ce qu’on voit le plus souvent en elle, c’est un admirable exemple de piété, de courage, de persévérance, de fidélité. Ce qui séduit aussi, c’est sa jeunesse, son enfance et sa simplicité, sa clarté ».
La préface donne des signes étonnants de la constante popularité de Jeanne, les uns venant d’une école du territoire des Komis, les autres du Daghestan.
L’anthologie offre des exemples poétiques nombreux de l’universalité de l’histoire de notre petite bergère lorraine de dix-sept ans, aussi bien dans le temps, puisque l’ouvrage commence par un poème de Christine de Pizan (1429) et se termine par un autre d’Oskar Denger (2002) — que dans l’espace, puisqu’on y trouve en langue originale et en traduction une quarantaine de poèmes venant de langues étrangères.
Le livre comporte également des notices biographiques précises, sérieuses, bien documentées, ainsi qu’un index, le tout constituant un bel ouvrage, d’une présentation et d’une typographie très soignées.
Depuis près de six cents ans, l’histoire de « la petite Jeanne de France », a inspiré des poètes très divers, qui n’étaient sans doute pas tous croyants comme l’était Charles Péguy, un inspiré majeur, mais qui furent tous sensibles à une légende qu’ils contribuèrent à transformer en un mythe extrêmement fécond et, au fond, tellement nécessaire à nos espérances.
Noël Prévost
La Pucelle
Quand déjà pétillait et flambait le bûcher,
Jeanne qu’assourdissait le chant brutal des prêtres,
Sous tous ces yeux dardés de toutes les fenêtres
Sentit frémir sa chair et son âme broncher.
Et semblable aux agneaux que revend au boucher
Le pâtour qui s’en va sifflant des airs champêtres,
Elle considéra les choses et les êtres
Et trouva son seigneur bien ingrat et léger.
« C’est mal, gentil Bâtard, doux Charles, bon Xaintrailles,
De laisser les Anglais faire ces funérailles
À qui leur fit lever le siège d’Orléans. »
Et la Lorraine, au seul penser de cette injure,
Tandis que l’étreignait la mort des mécréants,
Las ! pleura comme eût fait une autre créature.
Paul Verlaine (1870)
Jeanne d’Arc. La voix des poètes. De Christine de Pizan à Léonard Cohen. Textes réunis par Yves Avril et Romain Vaissermann. 316 p. 25 €.