Lassi Nummi disait de lui‑même qu'il écrivait comme les impressionnistes français peignaient : dans une brume lumineuse. Et j'ajouterais : à petites touches. Le poème suivant est significatif à cet égard :

J'AI JETÉ EN PASSANT UN COUP D'ŒIL À L'ÉRABLE

J'ai jeté en passant un coup d'œil à l'érable. Un instant il a [semblé

que lui venait aux joues, légère, une roseur, bref éclat

rouge des fleurs qui sont tombées.

Je laisse errer mon regard. Ici et là

d'une faible lueur d'or le vert déjà se colore :

l'été encore sous ses voiles dissimule

les trésors de l'automne.

Bientôt les feuilles voleront – s'élèveront en tourbillons

vers les hauteurs. Trouveront

finalement toujours leur chemin,

leur demeure dernière. Le terre.

 

Les pensées volent, volent

– où vont‑elles ? Quand seront‑elles au port ?

Jamais.

Nulle part. Leur patrie, c'est

le vide, le vaste, l'éternel tourbillon.

 

Osmo Pekonen, dans une éclairante préface, écrit à propos de cette œuvre : « Les petits moments heureux de la vie [apparaissent] souvent comme enveloppés dans un halo lumineux ». Lassi Nummi est avant tout un poète de la lumière. Presque tous ses poèmes la mentionnent.

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La préface nous apprend que le poète fut actif et influent dans la société de son temps. Il fut président de l'Union des écrivains finlandais (1969‑1972), président du PEN club finlandais (1983‑1988). Il fit partie de longues années du Comité de traduction de la Bible en finnois. L'université de Helsinki le consacra docteur honoris causa en philosophie et en théologie.

Sans doute, la nature du poète, dont Osmo Pekonen nous dit que « , toujours souriante [, elle] était si désarmante que personne ne pouvait le haïr », l'a-t-il porté à ces fonctions. Et le préfacier de continuer : « Son habitus était à la fois celui d'un homme aux cheveux d'argent, à l'air fragile, et celui d'un cardinal vieillissant. »

Yves Avril, le traducteur, évoque à son tour, dans une courte introduction, la rencontre qu'il fit du poète en 2002 : « De la brève rencontre que je fis de Lassi Nummi [...], je garde un souvenir lumineux (on ne s'étonnera pas, quand on parle de lui, de retrouver toujours cette référence à la lumière) : à dire vrai je n'avais jamais rencontré un homme qui ressemblât autant, physiquement et dans son comportement, à ce qu'il écrivait : clarté et douceur du regard, sourire plein d'humour sur les lèvres, tendresse et humilité. »

On comprend vite ce qui a poussé Yves Avril à traduire ce poète : son ouverture, sa profondeur, son amour de la lumière, qualité dont notre époque a bien besoin.

Jean‑Pierre Rousseau

Lassi Nummi, Elämän puutarha, Le Jardin de la vie, édition bilingue présentée par Yves Avril et Osmo Pekonen, traduction du finnois par Yves Avril. Éditions Paradigme, Orléans. 2015. 96 p.. 9,80 €.