C’est en 1828 qu’Elias Lönnrot (1802-1884) entame son premier d’une série de onze voyages à travers la Finlande, dans le but de recueillir poèmes et chansons jusqu’alors essentiellement transmis de manière orale. Il décide de les retranscrire et donne ainsi au pays qui aspire à son indépendance les bases de sa littérature. Tiraillée entre la Suède et la Russie, la Finlande se dote d’une poésie ancrée dans la vie quotidienne d’un peuple de bûcherons, de paysans et d’éleveurs. Petites gens anonymes - et autant d’auteurs d’une œuvre que Lönnrot s’abstiendra de signer. « Pauvre infortuné, je suis né/Quand toutes les peines sont nées ;/J’ai poussé, pauvre que je suis,/Au mois que montent les chagrins ;/J’ai grandi pour mon grand malheur/Quand vint le temps des vilains jours./Il aurait mieux valu pour moi,/J’aurais préféré ne pas naître... » La Kanteletar est publiée initialement en 1840. « Le Kalevala nous transporte dans un univers mythique, composite, celui des dieux et des héros. Plus terre à terre, la Kanteletar, surtout dans ses deux premières parties, nous fait partager les joies et les peines, les craintes et les rêves de ceux et celles que le docteur Lönnrot côtoyait, soignait, s’efforçait de secourir », souligne le traducteur, Jean-Luc Moreau, dans son intéressante préface. Relevons que Jean-Luc Moreau a de la suite dans les idées : il avait déjà proposé aux lecteurs la Kanteletar en 1972 (éditions P.-J. Oswald). Enfin, indiquons que pour mieux connaître la vie du docteur Lönnrot, il existe une remarquable version BD signée Ville Ranta : L’Exilé du Kalevala (Çà et là, 2010).
* Elias Lönnrot, Kanteletar (poèmes choisis, traduits et présentés par Jean-Luc Moreau), Paradigme (Passerelles en poésie), 2018