Karin Becker, Gastronomie et littérature en France au XIXe siècle, Orléans, Éditions Paradigme, 2017,192 pp.
Karin Becker rassemble dans ce volume des articles parus de 2003 à 2011, pour certains déjà présents dans sa thèse d’habilitation sur la gastronomie dans la littératurefrançaise du XIXe siècle (Der Gourmand, der Bourgeois und der Romancier. Die französische Esskultur in Literatur und Gesellschaft des bürgerlichen Zeitalters, Francfort, Klostermann, 2000, « Analecta Romanica »). Organisé, outre introduction et conclusion, en cinq chapitres (« L’art culinaire vu par les romanciers », « Aspects sociaux et moraux de l’alimentation », « Les manières de table: l’homme sans contrainte », « Le mangeur et son corps », « La gourmandise et l’érotisme »), le livre étudie le lien entre les romanciers et le développement des arts de la table avec subtilité.
Les frontières sont parfois floues entre les auteurs de guides gastronomiques et de fictions littéraires, les écrivains, eux-mêmes souvent gourmands, n’hésitant pas à sauter le pas en se lançant comme Dumas dans un Dictionnaire de cuisine. Mais, même si les romans pratiquent l’effet de réel, ils sont des miroirs déformants du quotidien, chaque créateur donnant sa propre vision, orientée positivement ou négativement selon ses intentions. Ainsi Balzac et Maupassant se plaisent-ils à souligner le fossé entre cuisine des restaurants parisiens et des demeures privées provinciales, à scruter les rites du service de table, mais aussi à critiquer les idéaux du temps sur l’étiquette et les manières, les préjugés concernant la sveltesse féminine ou les risques de l’obésité et de l’addiction. Parodie et ironie s’introduisent subrepticement dans ce que les traités culinaires présentent plutôt avec emphase, rétablissant ainsi l’écart entre littérature et documentation. [lise sabourin]