Les yeux de l'éloquence : poétiques humanistes de l'évidence - Perrine GALAND-HALLYN

La poétique humaniste, en latin ou en langue vulgaire, doit aux rhétoriques antiques, ainsi qu'à certaines de leurs lectures médiévales, les modes de son invention et de son élocution. Ficin, Piccolomini (Pie II), Massimi, Politien, Du Bellay, d'Aubigné, confrontés à une problématique cicéronienne des rapports entre rayonnement individuel et devoir collectif, persuasion et morale, esthétique et transcendance, adoptent des réponses différentes. Chacun, cependant, semble trouver l'expression de son ingenium dans une interprétation audacieuse de la notion aristotélicienne de mimesis, comprise dès lors comme art de la vision (enargeia) et générant une transgression des frontières stylistiques, génériques et linguistiques. Ils illustrent ainsi l'aboutissement d'un processus littéraire né dans l'Alexandrie hellénistique, relayé par les théories d'Hermogène et de Macrobe, raffiné par les poètes de la latinité d'argent, qui consiste à jouer la variété contre la convenance (aptum), pour retrouver l'authenticité des contradictions humaines.

Perrine Galand-Hallyn, ancienne Sévrienne, agrégée des lettres, est professeur à l'Université de Valenciennes. Elle est l'auteur d'une édition commentée des Silves de Politien (Belles Lettres, 1987), d'éditions de poche de Suétone (1990) et Pétrone (1994), d'une étude de l'ekphrasis latine et néo-latine : Le reflet des fleurs. Description et métalangage poétique d'Homère à la Renaissance, Droz, « Travaux d'Humanisme et Renaissance », et de nombreux articles sur les poètes latins et humanistes.