JOACHIM DU BELLAY ET LA BELLE ROMAINE - DEMERSON.G,

Études sur la poésie latine de Joachim du Bellay.

Le titre de ce petit livre est un piège pour ceux qui, comme moi, croiyaient y trouver quelque révélation sur les amours de Du Bellay et de Faustine. La belle Romaine n'est autre que la Muse latine pour laquelle, selon sa propre expression, du Bellay a quelque peu trahi son épouse légitime, la Muse française :

Gallica Musa, mihi est fateor, quod nupta marito, Pro Domina colitur Musa latina mihi.

A travers les Poemata dont elle a fourni, en 1985, une excellente édition, Geneviève Demerson va suivre l'enthousiasme puis les timidités, les craintes du poète de ne pas être à la hauteur des Romains dont le latin est en quelque sorte la langue maternelle. Ronsard ne lui a-t-il pas reproché, en termes voilés, cette sorte de trahison, Ronsard à la fois admiré et jalousé et qui, lui, ne s'est pas aventuré sur le terrain miné de la poésie latine.

Utilisant le piquant de la psychanalyse, Geneviève Demerson voit en Ronsard une sorte de père, contre lequel Du Bellay se révolte sans se l'avouer et cela au prix d'une véritable névrose, qui se trahit par l'affirmation souvent répétée d'une perte de l'inspiration.

Vient ensuite l'analyse minutieuse de la manière dont Du Bellay se traduit lui-même en passant des Poemata aux Regrets, imite, transpose, transforme Ovide, Virgile, Horace dans ses poèmes latins. Ainsi, l'œuvre latine de Du Bellay prend une valeur esthétique jusqu'ici généralement méconnue et la supériorité des poèmes français sur les poèmes latins correspondants se trouve mise en question.

La « Romae description » n'est pas inférieure aux sonnets des Antiquites qui lui correspondent, elle relève d'une esthétique différente.

Bien que ce livre réunisse des articles déjà publiés dans des Actes de Colloque ou dans différentes revues ou Mélanges, ils acquièrent beaucoup plus de force de conviction par leur réunion et par l'unité de pensée et de méthode qui les caractérise.

Henri Weber, Persée